Chapitre 2 : L'exploration avant le retour

Tout n'était pourtant pas écrit d'avance. Une vigne ne s'épanouit pas toujours là où tombent ses sarments, et Justine, avant de renouer avec les ceps et les terres ancestrales, a emprunté des chemins de traverse. À l'adolescence, captivée par un univers parallèle, elle s'oriente vers l'horticulture. Une façon, peut-être, d'affirmer son individualité face au patrimoine familial, de tracer son propre sillon loin des voies déjà balisées. Les fleurs, leur splendeur éphémère, leurs délicates architectures – tout cela résonnait avec une sensibilité artistique qui persiste aujourd'hui, visible dans les étiquettes peintes à l'aquarelle qui habillent ses bouteilles et dans l'agencement presque pictural de sa cour intérieure.

"C'était une discipline qui m'enchantait", confie-t-elle en démêlant délicatement la trame de ses souvenirs. Mais quelque chose d'autre persistait, un appel sourd qu'elle ne pouvait étouffer. "Très vite, j'ai senti que mon cœur battait ailleurs." Cet "ailleurs" – ce royaume ancestral de la vigne et du vin – ne s'était jamais véritablement éloigné. L'appel tellurique l'a promptement ramenée à l'essentiel. Si ses premières études de viticulture lui ont permis de consolider le patrimoine d’intuitions transmis par les générations précédentes, c’est dans la vallée du Rhône, lors d’une vinification aux côtés de Jean et Pierre Gonon, que Justine a vécu l’expérience la plus marquante de son parcours. "C’est là, parmi les mouvements précis du chai et la chaleur fraternelle qui unissait Jean et Pierre, que j’ai véritablement appris ce qu’est le vin", raconte-t-elle. Elle découvre alors la rigueur des gestes, la patience du temps, l’humilité face au vivant. Observer la transformation du raisin, jour après jour, comprendre la magie complexe des fermentations, mesurer l'importance de chaque détail technique — tout prend soudain un sens nouveau éclairé par l’exemple exigeant et bienveillant de ses compagnons.

Les Gonon lui transmettent un savoir-faire autant qu’une philosophie, tissée de gestes sûrs, de respect de la matière et de solidarité quotidienne. "Il y avait, dans ces heures partagées, une densité d’émotions et de connaissances qui dépassait tout ce que j’avais pu vivre auparavant", murmure-t-elle.

Ce sont ces enseignements humains et techniques, indissociables, qui l’ancrent définitivement dans sa vocation.

À la lumière de cette expérience fondatrice, ses autres voyages et formations prennent une dimension nouvelle. Aux États-Unis ou en Nouvelle-Zélande, elle reconnaît l’importance d’une curiosité ouverte et d’une capacité d’adaptation, mais c’est bien en Rhône, auprès de Jean et Pierre Gonon, que se sont révélés à elle les piliers de son métier : humilité, transmission, et fidélité au vivant.

Le vin, Justine en est désormais convaincue, se fait et se partage d’abord à hauteur d’hommes.

Après ces années d'exploration et d'apprentissage auprès des plus grands, le fil de son parcours la ramène naturellement vers sa terre natale. Loin d'être un simple retour, cette démarche incarne la volonté de conjuguer héritage et innovation, forte des savoirs conquis ailleurs et motivée par le désir d'ouvrir de nouveaux horizons. 

Les caves de Montrichard, d'ailleurs, commencent déjà à occuper une place privilégiée dans sa cartographie intime. Ce sont ses racines les plus profondes qui l'appellent, mais c'est à Montrichard qu'elle élira domicile pour réinventer son avenir. La semence était en terre depuis longtemps, mais avant de s'épanouir pleinement, il fallait que Justine traverse d'autres mondes, d'autres possibles, pour confirmer que le sol sous ses pas était bien celui où elle souhaitait s'ancrer définitivement.

A suivre...