La Gardienne des Vignes


C'est une scène d'une simplicité saisissante : une femme arrose ses plantes, un arrosoir en cuivre dans une main tandis que son regard caresse chaque feuille avec la tendresse d'une mère. Nous sommes au Clos des Religieuses, à Montrichard, où une cour recouverte de gravier blanc s'abrite derrière des murs de tuffeau qui semblent exhaler la sérénité des siècles.

 

Justine Baudry apparaît comme figée dans un tableau vivant de quotidien. Sa main libre effleure le feuillage comme on tourne délicatement les pages d'un manuscrit précieux. Chacun de ses gestes révèle une concentration quasi méditative, une précision qui témoigne d'une longue intimité avec la terre et ses mystères.

 

Elle lève la tête et m'accueille d'un sourire lumineux. Après quelques mots échangés sur le temps qui passe, une entente tacite s'établit entre nous : l'interview se déroulera dans le sanctuaire frais des caves du Clos. Le tuffeau y distille une fraîcheur qui contraste avec la fièvre du monde extérieur. Dans ces galeries souterraines, les époques se superposent en strates silencieuses mais éloquentes.

 

L'aménagement intérieur marie sobriété élégante et harmonie instinctive. Une table en verre contemporaine trône là où jadis se dressait l'ancien pressoir – incarnation parfaite de cette tension créative entre vénération des traditions et désir d'en réinventer le récit. C'est dans ce dialogue entre hier et demain que nous prenons place.

 

Justine pose ses paumes sur la surface transparente. Ces mains portent en elles toute une généalogie d'efforts et de savoir-faire, modelées pour percevoir la vulnérabilité d'une grappe et pour négocier avec les humeurs des saisons. Son regard transmet cette assurance paisible propre aux êtres qui ne font pas que traverser l'existence, mais y implantent profondément leurs racines.

 

La cohérence qui émane d'elle est saisissante – chaque parole, chaque mouvement tisse la même histoire d'appartenance. Pourtant, ses véritables origines plongent bien au-delà des galeries calcaires de Montrichard. C'est à Cravant-les-Côteaux, dans l'ombre tutélaire de Chinon, que tout a commencé voici quatre générations.

 

Chapitre 1 : Cravant-les-Côteaux, les racines invisibles

 

Dans l'atmosphère feutrée des caves, le nom de Chinon s'échappe de ses lèvres. L'air lui-même semble se transformer à l'évocation de ce terroir.

 

Chinon fut son premier univers. Le lieu où, enfant, elle vit le vin se métamorphoser, passant d’un mystère lointain à une trame intime tissée dans la chair même de ses souvenirs. Parmi les rituels familiaux que mon père orchestrait, la figure tutélaire de Philippe Alliet, parrain de Justine, s'impose avec chaleur ; à ses côtés, son fils Pierre, tous deux dégustateurs d'exception, capables de véritables prouesses lorsqu'il s'agit de déceler les nuances les plus subtiles d'un vin. Elle évoque ces dégustations à l’aveugle d’antan, où la convivialité primait, rassemblant plusieurs générations autour d’une table massive où s’alignaient les bouteilles choisies avec soin, entre éclats de rire et débats enflammés sur les arômes glanés.

 

 

Ces moments transcendaient largement les simples leçons d'œnologie ou les jeux d'identification de cépages. Ce que Justine absorbait, c’était une philosophie entière, une manière singulière d'interpréter le monde à travers le prisme d'un verre de vin, toujours partagé dans la joie d’être ensemble.

 

Les Baudry cultivent la vigne depuis quatre générations, mais l'héritage de Justine dépasse infiniment quelques parcelles et des carnets jaunis de notes techniques. Ce qu'elle a reçu en patrimoine – elle le confie avec cette lueur particulière qui illumine le regard des passionnés – c'est une conception du vin comme force fédératrice, comme alchimie subtile entre nature et culture, comme rituel sacré. Une tradition rabelaisienne où le nectar devient célébration et où la vigne se fait centre de gravité, lieu primordial où l'on revient pour déchiffrer les énigmes du monde.

 

Ce père, ne lui imposa jamais de destinée. "Il m'a offert la plus précieuse des libertés," confie-t-elle. "Tu fais ce que tu veux. Tu reprends le domaine si tu le souhaites. À toi de choisir." Une générosité qui affranchissait plutôt qu'elle n'enchaînait.

Mais peut-être savait-il, depuis toujours, que la graine avait déjà germé et qu'il suffisait d'attendre patiemment qu'elle s'épanouisse...

 

à suivre...

L'abus d'alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération

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