Vais-je arriver avant la pluie suivante ?

Il est un peu plus de midi, ce dimanche 12 mai 2025, et le Cher, au bord du village de Bourré, semble s’être habillé de cette teinte feutrée que seule une pluie récente peut offrir. Le temps est gris, comme suspendu, et la lumière qui filtre du ciel ressemble à celle d’un vieux cliché un peu éteint. Je sors de chez moi, Marcel sur les talons — un petit chien mi-Jack Russell, mi-Yorkshire, et entièrement maître de son propre agenda olfactif. Aujourd’hui pourtant, il semble perplexe, le museau tourné dans toutes les directions. La pluie, en effaçant ses repères habituels, a subtilement redessiné le paysage de ses narines. Sous les arbres, la senteur du sol mouillé monte, mélange complexe entre la terre, la végétation et le récent passage de l’ondée.


Nous commençons notre promenade le long du Cher. Une fraîcheur humide accompagne nos premiers pas. Les gouttes résiduelles qui s'accrochent aux branches tombent progressivement, rythmées par une brise légère qui fait bruisser les feuilles. Je ressens ce moment presque comme une entre-deux, un interlude entre la pluie d’avant et, potentiellement, celle à venir. Le ciel n’annonce rien de bon, mais il y a toujours cette hésitation, ce moment fragile où rien n’est encore tout à fait décidé. Serons-nous trempés avant la fin de cette balade ?


Marcel trotte devant moi, absorbé par sa reconstruction méthodique du monde après la pluie. À ses côtés, je me laisse porter par les sons qui m’entourent. Là, un coucou entonne son chant unique, distant et pourtant si familier, comme s’il essayait de me rappeler quelque chose d’essentiel, un repère mélodique au cœur de cette grisaille. Soudain, un bruit lourd et familier parvient à mes oreilles. Sur la voie ferrée à quelques centaines de mètres, une motrice diesel verte de type V36 passe tranquillement en direction de Tours. Cette locomotive avançant lentement sur les rails semble suivre les chemins fantômes de mon passé. Sur mon circuit miniature, je contrôlais tout, chaque mouvement de roue, chaque courbe. De la revoir aujourd’hui, grandeur nature dans ce paysage humide et gris, c’est comme une retrouvaille avec un fragment oublié de moi-même. Elle paraît presque irréelle. Bien sûr, elle n’a rien d’extravagant : une simple locomotive de marchandises. Mais pour moi, elle transporte bien plus.


Le sol est glissant, un tapis de brillance irrégulière où le vert de l'herbe et le brun de la terre se mêlent. Sous mes pas et ceux de Marcel, un léger crissement s’ajoute à la symphonie après-pluie. Chaque bruit, chaque sensation rappelle la présence d’eau, ce cycle discret mais essentiel qui façonne tout ce qui nous entoure.


Les oiseaux, eux, semblent fascinés par ce court répit dans le ciel indécis. Leur agitation après l’averse est contagieuse, une joyeuse émeute de battements d’ailes et de piaillements qui contrebalance le murmure spectaculaire du vent dans les arbres. Sous cette canopée improvisée, je me questionne sur la patience nécessaire pour observer ces infimes cycles quotidiens — un éclat de lumière ici, le bruissement d’une branche là-bas. La nature, imperturbable dans ses gestes millénaires, nous offre toujours une raison de nous arrêter, d’apprendre.


La balade ne fait qu’une vingtaine de minutes, un tracé humble. Pourtant, à chaque pas, à chaque inspiration, je me demande qui donnerait quoi pour pouvoir simplement marcher ici, sous ces arbres si simples, si anciens. Sur ces rives du Cher où l’eau reflète les teintes d’un ciel sans soleil, entre les gouttes piégées dans les feuillages et les pierres devenues plus sombres sous l’humidité.


Alors que nous approchons de la maison, un frisson parcourt le paysage. Les nuages s’épaississent, comme pour conspirer contre notre retour au sec. J’accélère un peu, Marcel me suit sans broncher, toujours concentré sur son enquête olfactive. Il a l’air un peu plus serein maintenant, comme si tout commençait à faire sens pour lui, enfin.

Sous ce ciel chargé, je comprends que la pluie, comme nos souvenirs, efface autant qu’elle renouvelle. Chaque goutte transporte avec elle un fragment du temps, effaçant et reconstruisant ce qui nous entoure, et ce qui nous habite.


Le vent devient plus insistant, ce précurseur connu d’une averse imminente. Vais-je arriver avant la pluie suivante ? Peut-être pas. Mais au fond, cela n’a pas vraiment d’importance. Chaque goutte est la bienvenue aujourd’hui.

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