Une nouvelle série hebdomadaire qui transforme notre ville en théâtre d'intrigues mystérieuses, où chaque coin de rue cache peut-être un secret...
Léon Blain traînait son vieux paletot sur les pavés dégueulants de Montrichard. C’était pas un soir à rêver d’étoiles : la ville bâillait sous un ciel chargé, et la bruine montait en embuscade, prête à laver la misère coincée entre les rigoles. Les pas lourds, les yeux dans un passé qui puait encore la trahison, Léon avançait comme un type avec un coup de semonce dans le ventre. La raison ? Ce maudit carnet rouge. Une peste en cuir souple qu’il gardait calé à l’intérieur de sa veste, juste assez près pour que ça le travaille le jour et qu’il en cauchemarde la nuit.
Il s’arrêta, l’œil vitreux, reluquant la rivière noire qui s’enfilait sous le vieux pont. Son téléphone vibra dans sa main, un battement sec qui trouva écho jusque dans sa poitrine. Il fronça les sourcils et balaya l’écran humide de son pouce.
"Rendez-vous au café "Au bout du Pont". URGENT."
Pas de signature. Pas besoin. C'était elle. La femme qui s’était pointée quelques jours plus tôt avec son lot d’histoires à dormir debout et une foutue détermination dans le regard. Il savait rien d’elle, pas même son prénom. Pas simple, dans cette galère, de savoir qui vous poignarderait le premier : le passé, le présent ou celle qu’on croise au mauvais moment. Mais la curiosité, c’était un poison qu’il buvait comme du mauvais rouge. Alors il y alla.
L’endroit portait bien son nom. Au bout du Pont, c’était la planque idéale pour les paumés et les discrets : lumière jaune, tables collantes, vapeur de café et une odeur de vin aigre qui se planquait dans chaque recoin. Assise au fond, elle l’attendait comme un rendez-vous avec le diable – l’air grave, le chignon pas assez tiré pour cacher ses cernes. Une femme au bout du rouleau, mais toujours digne. Pas son genre de poser des radis sur la table pour faire parler, ça se voyait à comment elle vous tenait dans son regard. Elle avait même pas besoin de lever la voix : les mots lui sortaient comme des balles bien placées, économes mais précises.
Elle glissa une photo sur la table. Une vieille chose cornée, jaunit aux angles.
— Regardez ça, lança-t-elle d’une voix basse, presque un murmure rauque.
Léon fixa l’image. Ça faisait mal : ça fouillait dans des plaies encore ouvertes. Au centre, un jeune gars le sourire figé – le genre de sourire qui vous donne envie de fuir –, accompagné d’un fantôme qu’il connaissait trop bien.
Antoine Diuze.
Il cligna des yeux, essayant de ravaler le souvenir qui venait lui griffer la gorge. Le bruit d’un flingue qui cogne sur un bureau, les cris dans les couloirs, les papiers qu’on vous retire des mains. La fin de sa carrière. La fin de tout. Et cette ordure de Diuze, en costard, qui sortait de la pièce avec la dégaine d’un type qui s’en tirait toujours.
— Diuze…
Sa voix était un roulement d’orage. Il se pencha sur la photo, son doigt tremblant pointant le jeune sourire.
— Et lui ?
— Mon frère. Avant que tout déraille.
Léon fronça les sourcils. Ce n’était pas l’image qu’il avait prévue. Il se raidit sur sa chaise, cherchant les traces d’un piège. Mais elle avait pas l’air du genre à mentir. Trop direct. Trop blessée pour jouer à ce jeu-là.
— Alors… Dites-moi : il faisait quoi avec Diuze ?
Elle joua nerveusement avec un vieux bijou accroché à son cou, cherchant peut-être les mots qui allaient pas trop déborder.
— Il bossait avec lui. L’import-export, à l’époque. Des containers, des livraisons… Vous savez : du propre qui cache du sale. Et puis…
Un silence. Léon hocha la tête, inerte, les mâchoires serrées. Ça partait pas de zéro dans son esprit. Les containers truqués, les antiquités, l’affaire qui avait tout fait sauter. Quinze ans dans le rétro. Et voilà qu’on lui recollait cette vieille histoire sous le nez, comme si le cauchemar avait jamais cessé.
Elle planta ses yeux dans les siens, à la fois dure et fébrile.
— Je veux savoir ce qui est arrivé à mon frère. Et Diuze… Ce qu’il mijote aujourd’hui.
Léon garda le silence. Son cerveau carburait, mais le moteur toussait. Trop d’infos, trop de souvenirs. Il eut un sourire crispé.
— On dirait qu’on a du pain sur la planche, murmura-t-il, avec une ironie amère à peine murmurée.
Elle hocha la tête, et ils quittèrent le café ensemble. Deux âmes perdues, marchant dans le même brouillard.
La Recherche Commence : L’Atelier de Minus
La Grande Rue de Montrichard affichait ce soir-là l’air astiqué des villes trop propres pour être honnêtes. Les vitrines scintillaient sous la lumière des réverbères, mais derrière, tout était factice : des façades ripolinées cachant des tiroirs pleins de rumeurs. Léon et sa nouvelle compagne, qu'il avait décidé de suivre sans encore lui tendre la main, bifurquèrent dans une ruelle plus sombre. Ici, c’était les coulisses, là où la ville escamotait ses secrets sous des couches de lierre et de salpêtre.
Au bout de cette venelle, un atelier miteux, une bicoque en briques rouges, l’attendait. L’endroit puait l’huile rance et le travail au noir. Blain frappa à la porte. Pas de réponse. "Minus" n'était pas là.
Alors qu’ils passaient le seuil, Léon remarqua l’attention aiguë de sa compagne. Les yeux furetant chaque coin d’ombre, comme une bête traquée. Elle fouilla nerveusement, motivée par une pression qu’elle n’avait pas encore mise en mots. Un vieux tiroir grinça. Et là… quelque chose brillait.
Elle en sortit un médaillon, pas bien gros, mais suffisamment poli pour trahir son importance : une tête de mort gravée dessus, et cette inscription étranglée, comme un murmure du passé :
"Les Gardiens du Riz Noir – 1995."
Les mains de Léon hésitèrent avant de saisir l’objet. Son toucher était froid, désagréable. Il tourna la médaille entre ses doigts, cherchant à traduire ce qu’elle hurlait à voix basse.
Il fronça les sourcils. Ce symbole. Cette année. Ça lui disait quelque chose, mais pas assez pour assembler un souvenir cohérent.
— Ça vous parle ? demanda-t-elle, hésitante mais impatiente.
Léon grogna, rangeant le médaillon dans sa poche.
— Pas encore. Mais lui, oui.
Son visage se ferma. Il connaissait quelqu’un qui pourrait cracher un morceau : Marcel L’Épingle, un petit poisson dans cet océan de combines. Pas une lumière, mais un survivant qui savait ce que les autres ignoraient.
Alors qu’ils quittaient l’atelier, Léon lança, la voix tranchante comme une règle qu’il imposait :
— Moi, je dis rien tant que j’en sais pas plus sur toi. Si on va là où je pense qu’on va, va falloir vider tes poches. Les secrets tout seul, ça t’amène au bout de la corde.
Elle lui répondit par un regard noir, mais hocha la tête. Peut-être qu’elle savait que Léon livrait jamais sa parole sans intérêt.
— Claire, je m'appelle Claire, enchantée...
Dans la rue, leurs ombres s’étirèrent derrière eux, doubles silhouettes dans l’obscurité vouée à les avaler.
À suivre...
📖 Note de l'auteur : Cette série de fiction s'inspire librement de la vie locale de Montrichard et de ses environs, mêlant l'atmosphère unique de notre ville à l'esprit des romans noirs. Chaque samedi, plongez dans une nouvelle aventure où le réel et l'imaginaire se confondent dans les ruelles de notre cité médiévale.
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