
Confidente
Par Fernand Beauregard pour les Chroniques du Loir-et-Cher
Ce jeudi 28 août 2025, alors que sonnent les vingt-et-une heures au clocher de Notre-Dame de Nanteuil, je me suis rendu au Régent pour ma séance rituelle. Fidèle à mes habitudes, j'ai pris place au troisième rang, position stratégique choisie autant pour son acoustique soyeuse que pour sa vue dégagée sur l'écran. Le programme promettait une œuvre poignante venue de Turquie : « Confidente », un huis clos tendu doublé d'un portrait féminin fort, signé Çağla Zencirci et Guillaume Giovanetti. Vous le savez, chers lecteurs, j'ai un faible pour ce genre de proposition cinématographique, où la tension dramatique épouse la critique sociopolitique. Bref, tout prédisait une soirée captivante.
Alors que je patientais et versais discrètement l’indispensable gorgée de Sauvignon dans mon gobelet thermos (les habitudes, que voulez-vous), j’ai décidé que, cette fois, rien ne me détournerait de mon rôle. Pas d’assoupissements, pas d’égarements mentaux. Mais comme vous vous en doutez, chers lecteurs, les bonnes résolutions chez Fernand Beauregard sont aussi solides que le lacet gauche de mes chaussures à Montrichard : elles finissent toujours par s’effilocher.
Une mise en tension... et une dérive involontaire
Dès les premières images, Zencirci et Giovanetti captent une Turquie contemporaine à la fois familière et étrangère : les grandes avenues impersonnelles d’Ankara, ce poste exigu où Sabiha – ou plutôt "Arzu", son nom de scène – répond à des appels nocturnes qui oscillent entre le banal et l’intime. Le dispositif du film est d'une simplicité troublante : un simple téléphone devient le cordon ténu reliant deux âmes séparées par des kilomètres… et, dans un sens, par un séisme métaphorique autant que réel.
Ce tremblement de terre, qui secoue soudain Istanbul et emprisonne un jeune garçon sous des décombres, fait de Sabiha bien plus qu’une interlocutrice distante. Mais attention, chers lecteurs, à ne pas conclure trop hâtivement. Ici, point de héroïsme spectaculaire, pas de sauvetage filmé à grands renforts de grues ou de violons mélodramatiques. Le film reste dans l'ellipse et l’intimité, jouant habilement sur ce qu’on entend ou ce qu’on imagine. Un son, une respiration, un silence : tout devient signifiant. Oui, et là, justement, le silence… trop apaisant peut-être. Car je dois l’avouer : quelque part entre la deuxième et troisième sonnerie, une douce torpeur s’est installée.
Dans cet état semi-recueilli, je ne dirais pas que je dormais tout à fait, non. Disons plutôt que je plongeais dans ce que les poètes appellent une "réflexion immersive". La voix de Sabiha résonnait, magnétique, et je me suis soudain retrouvé dans un décor qui ressemblait étrangement à la place centrale de Montrichard, le jour du marché, avec des stands vacillant comme des gratte-ciel. Était-ce la pensée du tremblement de terre ou mon esprit influencé par cette électricité émotionnelle du film ? Je ne saurais dire. Toujours est-il qu’au lieu de poursuivre l’échange téléphonique entre Sabiha et l’enfant pris au piège, ma conscience m’a conduit à imaginer Mauricette, l’institutrice retraitée de notre village, qui aurait sans doute joué une Sabiha parfaite si elle avait eu un téléphone portable sous la main en 1992. Mais je m'égare.
Un thriller de l’empreinte et de l’absence
Retour au réel, ou à peu près. Ce qui m’aura marqué – en dehors de ces légers moments d’absence – c’est la subtilité avec laquelle Zencirci et Giovanetti savent évoquer, sans jamais sur-signifier. Ce jeune garçon coincé sous les gravats, finalement, devient un miroir, un écho de nos propres pesanteurs. Qui parmi nous, chers lecteurs, ne s’est jamais senti écrasé sous le poids de la routine, incapable de faire appel à une voix qui pourrait écouter ? La voix de Sabiha est une bouée, mais aussi un fardeau : on entend ses silences autant que ses mots.
Le film, malgré sa tension narrative, m’évoque un poème chuchoté. Tout y est nuance et fragile absence. Il m’est venu l’idée que ce microcosme avait quelque chose d’universel : une allégorie parfaite de ce que nous sommes devenus, reliés mais déconnectés, prisonniers de nos appareils, de nos écrans, et de nos propres peurs. Même ici, dans notre Loir-et-Cher protecteur, il arrive que l’on se perde dans un quotidien trop structuré pour ne pas être aliénant.
Quand la critique cède à la gratitude
Chers lecteurs, il me faut conclure ce dithyrambe. Malgré quelques digressions imaginatives dont j’ai été victime volontaire, je ressors profondément touché par « Confidente ». Mais je me dois d’être honnête dans ma notation : une étoile est malheureusement amputée. Pourquoi ? Parce qu'en dépit de sa richesse émotionnelle, le film fait fi d’une petite chose que je considère essentielle : l’air. Oui, mes amis, l’air, cette respiration visuelle entre les séquences, m’a parfois manqué, comme si le huis clos, si brillant soit-il, avait resserré un peu trop ses doigts autour de ma gorge critique. C’est une question de goût personnel, sans doute.
Post-scriptum : "L’avis d’un spectateur éclairé..."
En sortant du cinéma, un jeune homme, visiblement ému aux larmes, déclarait à sa compagne qu’il n’avait jamais ressenti un tel attachement pour la voix d’une actrice. J’ai préféré ne pas intervenir pour lui rappeler que moi aussi, autrefois, je m’étais laissé envoûter par une voix féminine. Sauf qu’elle appartenait à une dame qui m’avait guidé hors du labyrinthe du château de Chenonceau. Comme quoi, tout est question de perspective.
Et si vous avez manqué la séance du 28 août, session de rattrapage obligatoire le mardi 2 septembre à 18h. Toutes les informations sur le site du Régent à Montrichard
Note biographique :
Fernand Beauregard rédige des chroniques semi-régulières depuis trois décennies. Les séances où il reste totalement éveillé se comptent désormais sur les doigts d’une main, ce qu’il considère être une forme suprême de sélection cinématographique.
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