Episode 4 - dimanche 25 mai 25

Avez-vous déjà senti ce décalage entre les grands événements médiatisés et nos petites réalités quotidiennes?

Thomas Duchesne observe sa balle rebondir sur le court. Sur son téléphone posé sur le banc, la cérémonie d'hommage à Rafael Nadal défile en silence. À Paris, une légende est célébrée dans un océan d'émotions. À Montrichard, le temps semble suspendu sous un ciel menaçant.

Lucie arrive soudain en courant, son sac de sport à l'épaule. "Tu as vu, Papa? Ils ont tous pleuré pour Rafa!" Thomas sourit. Sa fille n'a jamais connu un Roland Garros sans Nadal. Pour elle, c'est comme si une montagne disparaissait du paysage.

Connaissez-vous cette étrange mélancolie qui nous saisit quand une époque s'achève?

Père et fille commencent à échanger des balles. Thomas observe le revers de Lucie, ce geste qu'il lui a transmis comme un héritage précieux. "Regarde," dit-il en montrant son téléphone pendant une pause, "c'est comme ça que Wawrinka frappe son revers." Sur l'écran, le Suisse déploie son geste iconique contre Gasquet, deux gardiens d'un tennis d'une autre époque.

"Pourquoi on ne va jamais voir Roland Garros en vrai?" demande soudain Lucie. L'équilibre bascule. Thomas s'arrête, la question le ramène trente-six ans en arrière. "C'est compliqué," répond-il simplement. Mais dans sa tête défile le souvenir de cette promesse qu'il s'était faite adolescent: un jour, il y jouerait.

Avez-vous déjà ressenti cette frustration de voir un rêve s'échouer sur les rivages de la réalité?

Ce soir, ils regarderont ensemble les premiers matchs du tableau principal. Thomas a préparé des pizzas, comme chaque année pour le premier lundi du tournoi. Lucie a déjà choisi ses favoris: Sabalenka chez les femmes, Musetti chez les hommes. "J'aime son revers," dit-elle à propos de l'Italien. Thomas sourit à nouveau.

Dans son carnet, Thomas note les exploits de la jeune Victoria Mboko, 17 ans à peine et déjà victorieuse de son premier match en Grand Chelem. Il pense à Lucie, à ses douze ans, à cette passion qu'il lui transmet jour après jour sur ce court municipal. Peut-être qu'un jour, ce sera elle qui foulera la terre battue parisienne.

En 1989, Thomas Duchesne rêvait de Roland Garros. En 2025, il enseigne à sa fille à aimer le jeu, quel que soit le contexte. Et tandis que la pluie commence à tomber, forçant père et fille à ranger leurs raquettes, il se dit que le tennis, comme la vie, est fait d'adaptations constantes.

Sur les bords du Cher, la pluie dessine des cercles parfaits dans l'eau, comme les émotions créent des ondulations dans nos vies.

Et si nous regardions différemment ces courts de nos villes, ces terrains modestes où s'écrivent, loin des projecteurs, des histoires de passion et de transmission qui méritent aussi leur place dans notre mémoire collective?

Si vous avez manqué le 1er épisode