Episode 11 - dimanche 1er juin 25

Dans le silence du petit matin, Thomas Duchesne contemple sa raquette posée contre le mur.

Ce dimanche de juin naissant marque la fin de sa séance matinale au court municipal. Les cordes encore humides de rosée témoignent d'un entraînement intense. Dehors, Lucie frappe déjà ses premiers revers contre le mur du garage, répétant inlassablement ce geste qu'il lui a enseigné. Hier soir, ils ont assisté ensemble à l'incroyable remontée de Swiatek. Menée 5-0, la Polonaise a renversé Rybakina. À Montrichard, cette leçon résonne étrangement avec ses propres souvenirs.

Connaissez-vous cette mélancolie douce qui vous envahit quand le temps semble suspendre son vol ?

Thomas observe sa fille répéter ce revers à une main qu'il chérit tant. En 1989, il avait 17 ans et pratiquait ce même geste obstiné. Aujourd'hui, Svitolina vient de prouver qu'on peut encore croire à 30 ans passés, renversant Paolini après avoir été menée. Ces secondes chances défient le temps avec une beauté particulière.

Dans sa cuisine, les résultats défilent sur son téléphone pendant qu'il prépare le déjeuner. "Papa, tu as vu que Musetti a battu Rune ?" s'exclame Lucie en entrant, encore essoufflée de son entraînement. "Son revers à une main était magique," répond Thomas, ému par cette continuité technique qui traverse les générations.

L'après-midi réserve une surprise : Thomas emmène Lucie voir un match du club local.

"Pour comprendre d'où on vient," explique-t-il. Ces courts modestes où il a appris les bases lui rappellent que Roland Garros n'est qu'un aboutissement, pas un commencement. Cette transmission directe l'émeut plus que tous les exploits parisiens.

Au club, ils croisent Michel, l'ancien entraîneur de Thomas. "Alors, ton rêveur regarde toujours Paris ?" plaisante-t-il en voyant Lucie. "Plus que jamais," répond Thomas. "Mais maintenant, elle comprend pourquoi."

Le soir venu, père et fille transforment leur salon en petit centre de presse amateur.

Sandwichs préparés, écrans allumés, ils s'apprêtent à suivre les quarts de finale. "Papa, tu crois que Zheng peut vraiment aller en finale ?" demande Lucie. Thomas réfléchit. "Après ce qu'on a vu aujourd'hui, tout est possible."

En 1989, Thomas Duchesne rêvait de jouer à Roland Garros. En 2025, c'est à travers le revers de Lucie qu'il transmet ce rêve intact. Et tandis que juin s'installe doucement sur Montrichard, il se dit que certains gestes techniques portent en eux toute la beauté du tennis.

Sur les rives du Cher, l'eau coule paisiblement vers des horizons inconnus, comme ces balles qui cherchent leur chemin vers la perfection. Thomas se dit que cette passion partagée avec sa fille pourrait bien être son véritable service gagnant.

Si vous avez manqué le 1er épisode